L’estimation joue un rôle important dans la planification des projets en permettant de définir des objectifs réalistes, d’allouer les ressources nécessaires et de fixer des délais appropriés. Une estimation précise fournit une base solide pour établir des plans détaillés, identifier les étapes critiques et prévoir les efforts nécessaires à chaque phase du projet. Cela aide à créer une feuille de route claire et structurée.
Les estimations influencent également la prise de décision en offrant des données essentielles pour évaluer la faisabilité d’un projet et gérer les risques potentiels. Elles permettent aux décideurs de comparer les coûts et les bénéfices attendus, aidant ainsi à déterminer si un projet vaut la peine d’être entrepris.
En gestion de projet classique, en identifiant les incertitudes et en intégrant des marges de sécurité, les chef.fe.s de projet peuvent planifier des mesures d’atténuation appropriées et assurer que le projet reste sur les rails, même en cas d’imprévus. De plus, les estimations servent de référence pour mesurer les progrès et ajuster les plans en fonction des résultats réels, ce qui améliore la précision des futures estimations et renforce les capacités de planification de l’organisation.
L’estimation essaie de prévoir au mieux une quantité (valeur, coût, etc.) en utilisant les informations disponibles au moment de l’estimation. Une estimation est donc une évaluation fondée sur les données disponibles, les expériences passées et les hypothèses formulées pour compenser les incertitudes.
Il est important de distinguer l’estimation de la prévision. Alors que l’estimation consiste à évaluer les besoins futurs en se basant sur des informations limitées et souvent incertaines, la prévision implique une prédiction plus précise, généralement basée sur des données historiques et des modèles éprouvés. La nature unique des projets empêche d’avoir une base d’expérience suffisamment large pour créer des modèles d’estimation convergents et fiables. Chaque projet présente des caractéristiques distinctes, des contextes spécifiques et des variables imprévues qui compliquent l’utilisation de données passées pour prédire les besoins futurs.
La plupart des gens associent le terme estimation avec « deviner ». Cette perception provient du fait que les estimations sont fréquemment réalisées avec des informations incomplètes et une compréhension limitée du futur déroulement des événements.
Nous nous concentrons sur l’estimation de quatre aspects clés d’un projet : le coût, la valeur, les durées et les charges de travail.
L’estimation des coûts est essentielle pour établir le budget d’un projet et pour s’assurer que les ressources financières nécessaires sont disponibles. Elle inclut l’évaluation des dépenses externes telles que les consultants et les services et matériaux nécessaires pour réaliser le livrable du projet ainsi que des coûts internes comme le coût des employés participant au projet et l’infrastructure utilisée par le projet. L’estimation des coûts externes permet de prévoir les besoins en financement.
L’estimation de la valeur se concentre sur les bénéfices attendus du projet, qu’ils soient financiers ou non financiers. Elle implique l’évaluation des avantages que le projet apportera aux parties prenantes tels que l’augmentation des revenus, l’amélioration de l’efficacité opérationnelle ou l’augmentation de la satisfaction des clients. Comprendre la valeur potentielle d’un projet aide à justifier les investissements et à prioriser les initiatives en fonction de leur contribution aux objectifs stratégiques de l’organisation.
L’estimation des durées vise à déterminer le temps nécessaire pour achever chaque phase et activité du projet. Cela inclut l’évaluation des délais pour la réalisation des tâches, la coordination des dépendances entre les activités et la gestion des éventuels retards. Une estimation précise des durées permet d’élaborer un calendrier (schedule) et de gérer les attentes des parties prenantes en termes de délais de livraison.
L’estimation des charges de travail concerne l’évaluation des efforts nécessaires de la part des ressources humaines pour accomplir les différentes tâches du projet. Cela inclut l’identification des compétences requises, la répartition des tâches entre les membres de l’équipe et la planification des périodes de travail. Une bonne estimation des charges de travail permet d’optimiser l’utilisation des ressources, d’éviter la surcharge de travail et d’assurer que le projet dispose des capacités nécessaires pour atteindre ses objectifs dans les délais impartis.
L’exactitude des estimations dans la gestion de projet est influencée par plusieurs facteurs. La qualité des informations disponibles au moment de l’estimation joue un rôle crucial. Des données incomplètes ou inexactes peuvent conduire à des estimations erronées. L’expérience et les compétences des personnes impliquées dans le processus d’estimation sont également déterminantes. Les techniques d’estimation utilisées affectent aussi l’exactitude des résultats. Enfin, les conditions externes, telles que les changements dans l’environnement du projet, peuvent influencer les estimations, rendant certains aspects du projet encore plus difficiles à prévoir.
Plusieurs problèmes courants peuvent affecter la qualité des estimations. Le biais est un facteur fréquent qui peut fausser les résultats. Le biais d’optimisme, où les estimations sont systématiquement trop optimistes, et le biais de pessimisme, où elles sont trop prudentes, sont deux exemples de biais qui peuvent influencer les estimations. L’incertitude est un autre problème majeur. Même avec des données de haute qualité, il existe toujours des inconnues qui peuvent affecter la précision des estimations. Le manque de données est également un problème récurrent, en particulier dans les projets innovants ou uniques où peu de précédents existent. Enfin, la pression des parties prenantes pour fournir des estimations favorables peut conduire à des compromis et à des estimations qui ne reflètent pas fidèlement la réalité.
La problématique du rétroplanning survient lorsque les délais sont fixés avant que des estimations précises ne soient effectuées. Dans de telles situations, les équipes de projet sont souvent contraintes d’ajuster artificiellement leurs estimations pour qu’elles correspondent aux dates imposées. Cette pratique peut compromettre la précision des estimations et conduire à des plans irréalistes. Le rétroplanning augmente le risque de dépassement des délais et des coûts, car les estimations ne reflètent pas fidèlement la réalité des tâches et des ressources nécessaires.
Cependant, cette approche est légitime d’un point de vue client, car elle permet de fixer des attentes claires et des échéances pour la livraison. Il est crucial de préciser dès le départ que si la date est fixe, il se peut que toutes les fonctionnalités ou livrables ne soient pas inclus. En établissant cette directive dès le début, les estimations seront moins biaisées et pourront mieux refléter les réalités du projet, tout en permettant de gérer les attentes du client de manière réaliste.
Les estimations imprécises peuvent avoir des conséquences significatives sur un projet. Elles peuvent entraîner des dépassements de coûts, où le budget initial est insuffisant pour couvrir les dépenses réelles du projet. Les délais peuvent également être affectés, avec des projets prenant plus de temps que prévu, ce qui peut compromettre la livraison des produits ou services attendus. De plus, des estimations erronées peuvent conduire à une allocation inefficace des ressources, avec des équipes sous-utilisées ou surchargées de travail. Cela peut aussi affecter la satisfaction des parties prenantes, car les attentes ne sont pas satisfaites, menant à une perte de confiance et de crédibilité pour l’équipe de chef.fe.s de projet. En fin de compte, les estimations imprécises peuvent compromettre la réussite globale du projet, mettant en péril ses objectifs et ses résultats escomptés.
Le cône d’incertitude[2], introduit par Barry Boehm, est un concept clé pour comprendre l’incertitude inhérente aux estimations dans les projets. Il illustre comment l’incertitude diminue au fur et à mesure que le projet progresse et que les connaissances s’accumulent. Au début d’un projet, les incertitudes sont maximales car les informations sont limitées et approximatives. À mesure que le projet avance, les informations deviennent plus précises et les estimations peuvent être ajustées en conséquence.
Au tout début d’un projet, les informations sont très limitées et les incertitudes sont élevées. À ce stade, les connaissances nécessaires se limitent à une compréhension basique des objectifs du projet, des exigences préliminaires et des contraintes majeures. Les activités clés comprennent l’identification des parties prenantes, la définition initiale de la portée et l’élaboration de la charte de projet. Les estimations des coûts, des durées et des charges de travail sont largement hypothétiques et peuvent varier énormément, jusqu’à quatre fois plus ou moins que la réalité finale.
À ce stade, une première ébauche des exigences et des spécifications du projet est réalisée. Les connaissances nécessaires incluent des exigences plus détaillées, l’identification des principaux livrables et les premières estimations des ressources nécessaires. Les activités clés à cette étape impliquent l’analyse des besoins des parties prenantes et le développement des premières spécifications fonctionnelles et techniques. Bien que les estimations deviennent plus précises à ce point, elles restent encore larges avec une marge d’erreur significative pouvant atteindre 200 %.
Lorsque la planification préliminaire du projet est réalisée, une vue d’ensemble plus claire émerge. Les connaissances nécessaires à ce stade comprennent une compréhension approfondie des exigences, des spécifications techniques et une identification détaillée des ressources. Les activités clés incluent l’élaboration d’un plan de projet détaillé, la définition des jalons principaux et l’estimation des durées et des coûts de manière plus rigoureuse. À ce stade, la marge d’erreur des estimations se réduit à environ 100 %, reflétant une compréhension plus précise mais encore perfectible des besoins du projet.
Dans la phase de conception, les connaissances nécessaires comprennent une documentation complète des exigences et des spécifications techniques finales. Les activités clés à ce stade incluent l’élaboration de plans détaillés, la définition des architectures système et la création de prototypes. À ce stade, la marge d’erreur des estimations se réduit à environ 50 %, car les informations sont désormais plus complètes et les hypothèses initiales sont validées ou ajustées. Cette étape permet de s’assurer que les éléments de conception sont alignés avec les objectifs du projet et qu’ils peuvent être réalisés dans les délais et budgets estimés.
Lorsque les spécifications sont terminées et l’interface utilisateur (UI) définie, le projet entre dans une phase où les estimations deviennent encore plus précises. Les connaissances nécessaires incluent une compréhension détaillée des fonctionnalités finales, des exigences de performance et des interfaces utilisateur. Les activités clés à cette étape impliquent la finalisation des spécifications détaillées, la validation des maquettes UI et l’affinement des estimations de temps et de ressources nécessaires. À ce stade, la marge d’erreur des estimations se réduit à environ 25 %, car les détails précis du projet sont désormais bien compris et peuvent être planifiés avec une plus grande certitude.
Enfin, à mesure que le projet progresse dans sa phase de réalisation, les connaissances nécessaires comprennent une compréhension complète des résultats attendus et une maîtrise claire de l’approche de réalisation. À ce stade, la marge d’erreur des estimations se réduit à environ 10 %, reflétant une précision élevée basée sur des données complètes et une analyse rétrospective. Il est cependant important de noter qu’une variabilité de 10 % reste présente même dans l’estimation de petites tâches en raison de facteurs imprévus et de la nature dynamique des projets. Cette variabilité est impossible à éliminer complètement.
Le PMBOK (Project Management Body of Knowledge) indique également que les estimations initiales sont souvent basées sur des informations limitées et que leur précision s’améliore avec l’élaboration progressive des détails du projet. Il encourage l’utilisation de techniques comme l’analyse des réserves pour gérer l’incertitude et inclure des marges pour les imprévus dans les estimations. Cette méthode permet de prévoir des contingences et d’atténuer les impacts des risques potentiels sur le projet. En intégrant des réserves, les chef.fe.s de projet peuvent mieux gérer les variations imprévues qui pourraient survenir.
Le PMBOK met également l’accent sur l’importance de la réévaluation continue et de la mise à jour des plans de projet pour gérer l’incertitude et les risques, assurant ainsi que les plans restent pertinents et adaptés aux nouvelles informations et aux changements.
HERMES met l’accent sur une structure claire et détaillée pour la planification et l’exécution des projets. La méthode souligne l’importance de définir précisément les objectifs et les livrables dès le début du projet. Cependant, contrairement au cône d’incertitude qui utilise des marges d’erreur spécifiques pour illustrer la diminution de l’incertitude, HERMES n’adopte pas une échelle de variabilité aussi explicite. L’absence de cette échelle peut rendre plus difficile la visualisation de la réduction progressive de l’incertitude à mesure que le projet avance.
HERMES propose des étapes de projet bien définies et des rôles et responsabilités clairs pour chaque phase, ce qui contribue à réduire l’incertitude par une meilleure organisation et une clarification des attentes. Cette méthode met également l’accent sur l’importance de la communication et de la documentation tout au long du projet. En assurant une communication constante et une documentation précise, HERMES aide à minimiser les malentendus et à garantir que toutes les parties prenantes ont une compréhension commune des objectifs et des progrès du projet.
Les estimations doivent être réalisées par des personnes compétentes et expérimentées dans le domaine à estimer. Lorsque des individus sans expertise adéquate dans le sujet tentent de fournir des estimations, ils risquent de simplement injecter des valeurs aléatoires dans le système, ce qui compromet gravement la précision et la fiabilité des prévisions. Indiquer clairement qu’on ne sait pas est une information très précieuse pour l’analyse des risques et pour évaluer la qualité des estimations. Cela permet de reconnaître les zones d’incertitude et d’identifier les domaines nécessitant une attention particulière ou une expertise additionnelle.
L’estimation par analogie, également connue sous le nom d’estimation « top-down », consiste à utiliser les données de projets similaires précédents pour estimer les coûts, les durées et les ressources nécessaires pour le projet actuel. Cette méthode repose sur l’expérience passée et permet de comparer le projet en cours avec des projets antérieurs pour obtenir des estimations plus rapides et souvent plus précises. Bien que cette technique soit efficace, elle dépend fortement de la similitude des projets comparés et de la qualité des données historiques disponibles.
L’estimation ascendante, ou « bottom-up », consiste à décomposer le projet en tâches plus petites, à estimer chacune de ces tâches individuellement, puis à agréger ces estimations pour obtenir un total global. Cette méthode offre un haut niveau de précision car elle examine chaque composant du projet en détail. Cependant, elle peut être très chronophage et nécessite une compréhension approfondie de chaque tâche du projet. Cette technique est particulièrement utile pour les projets complexes où une estimation détaillée est nécessaire pour une planification et une allocation des ressources précises.
L’estimation à trois points utilise trois scénarios pour chaque estimation : optimiste (meilleur cas), pessimiste (pire cas) et le plus probable. En utilisant ces trois points de données, une moyenne simple peut être calculée
Cette méthode offre une vue d’ensemble des différentes éventualités, mais peut manquer de précision car elle traite chaque scénario de manière égale.
La méthode PERT[3] (Program Evaluation Review Technique) affine cette approche en calculant une moyenne pondérée. La formule de la moyenne PERT est
Cette méthode donne plus de poids au scénario le plus probable, ce qui permet d’obtenir une estimation plus réaliste.
En plus de la moyenne, PERT utilise la variance pour mesurer l’incertitude associée à l’estimation. La variance est calculée comme suit :
La variance aide à comprendre l’étendue des incertitudes et à quantifier le risque associé à l’estimation. Plus la variance est grande, plus l’incertitude est élevée.
Il est important de ne pas communiquer uniquement une estimation ponctuelle, mais toujours de fournir une plage ou une moyenne avec une variance. Cela permet de signaler l’incertitude et de gérer les attentes des parties prenantes. En présentant une plage ou une moyenne avec une variance, les chef.fe.s de projet peuvent mieux préparer des plans de contingence et anticiper les déviations par rapport aux prévisions initiales.
L’estimation paramétrique utilise des algorithmes et des modèles statistiques basés sur des paramètres connus pour calculer les estimations. Par exemple, le coût par unité de production ou la durée par unité de travail. Cette méthode repose sur des données historiques et des relations mathématiques pour produire des estimations. Elle est particulièrement efficace pour les projets où des données précises et des modèles bien définis sont disponibles.
Une méthode spécifique d’estimation paramétrique utilise les points de cas d’utilisation pour estimer l’effort de développement. Cette technique évalue la complexité des cas d’utilisation et des acteurs impliqués dans le système, puis applique des ajustements pour refléter la complexité technique et environnementale du projet.
Les éléments qui entrent dans le calcul sont : le facteur de complexité technique (TCF) et le facteur de complexité environnementale (EF). Ces coefficients nécessitent un calibrage basé sur des projets antérieurs pour assurer leur précision et pertinence dans les estimations. Le calibrage permet d’adapter les modèles aux spécificités de chaque organisation et de chaque projet, garantissant ainsi des prévisions plus fiables et adaptées aux réalités du terrain.
[1] Barry Boehm est un informaticien et ingénieur logiciel reconnu pour ses contributions majeures à l’ingénierie des systèmes et à la gestion de projet. Il a obtenu son doctorat à l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA). Boehm a travaillé pour des entreprises et organisations prestigieuses telles que TRW Inc. et DARPA. Il est notamment célèbre pour avoir introduit le modèle en spirale de développement logiciel et le concept du cône d’incertitude. Ses travaux ont eu une influence durable sur les méthodes d’estimation et de gestion des risques dans les projets.
[2] IEEE Transactions on Software Engineering, SE-10-1, 1984, DOI :10.1109/TSE.1984.5010193🔗
[3] Le PERT (Program Evaluation and Review Technique) est une méthode de gestion de projet qui aide à planifier et à coordonner les différentes tâches. Elle repose sur la représentation graphique des étapes d’un projet, appelée diagramme de PERT, permettant d’identifier les tâches critiques et d’estimer les délais nécessaires pour leur achèvement. Développée dans les années 1950 par la marine américaine pour des projets complexes, cette technique vise à améliorer la planification et le contrôle des projets en prenant en compte les incertitudes et les variations de temps.
[4] Applying Use Cases: A Practical Guide, Geri Schneider, Jason P. Winters, Addison-Wesley, 2001🔗
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